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Lundi 18 février, Emmanuel Macron participait à une maraude avec le Samu Social de Paris. Vêtu d’un jean et d’un blouson de cuir marron, Jupiter descendit sur le plancher des vaches pour goûter au quotidien du commun des mortels. Aucun journaliste n’avait été convoqué. La visite ne figurait même pas à l’ordre du jour de son agenda. Mais comment diable avons-nous appris cet événement ? Tout simplement parce que le Président ne s’est évidemment pas déplacé seul, mais accompagné de sa photographe officielle, Soazig de la Moissonnière. Sur le compte Instagram de celle-ci apparaissait alors une photo d’Emmanuel Macron, genou à terre, devant une tente qui devait appartenir à un SDF. Depuis, d’autres photos de l’escapade du Président ont filtré. Et cela interroge.
Balance ta com :
Tout d’abord, comment peut-on imaginer que cette opération n’ait pas été planifiée, alors même que Macron et son gouvernement cherchent du pétrole dans les sondages ? Comment peut-on imaginer que le Président de la République Française puisse, s’il lui chante, quitter l’Elysée pour une sortie nocturne sans s’être assuré au préalable d’un dispositif de sécurité minimum ? On n’imagine pas Macron faire fi de la jurisprudence Hollande… En bref, comment penser qu’une telle opération puisse s’organiser dans la précipitation et l’anonymat ? La maraude du Président n’avait de toute évidence rien de secret pour son entourage. La spontanéité de cette opération était donc à relativiser largement.
Toutefois, la sincérité de Macron n’est pour le moment pas à remettre en doute. Mais il y a un hic : la présence de Soizig de la Moissonnière, sa photographe officielle. Car si aucun journaliste n’était présent, donnant alors une apparence d’authenticité à la démarche du Président, l’objectif de Soizig de la Moissinnière allait en réalité faire le boulot. Et cela, Macron et son équipe le savaient pertinemment. Pas de presse, donc pas de risque qu’une petite phrase « sortie de son contexte » vienne saper le boulot. A la place, de beaux clichés en noir et blanc, ajoutant la poésie à la dramaturgie de la scène, saisis de loin comme sur le vif. Tout ce qu’il y a de plus officiel. L’équipe du Président ne pouvait pas nier que parmi les 59000 abonnés au compte Instagram de la photographe, quelques journalistes s’empresseraient de diffuser le cliché pour alimenter leurs colonnes.
Achète-moi une morale :
La question qui se pose alors est la suivante : une action que l’on peut considérer comme bonne et désintéressée demeure-t-elle bonne et désintéressée lorsque sont sciemment réunies les conditions de sa médiatisation ? A l’évidence, non. Lorsque je donne une pièce à un pauvre de manière anonyme, l’action est bonne. En revanche, m’en vanter a posteriori est immoral, dans le sens ou l’action de donner une pièce au pauvre sert tant ses intérêts que les miens en flattant ma vanité, mon égo, voire le sentiment de ma supériorité. Une action est pleinement bonne lorsqu’elle est parfaitement désintéressée et anonyme. En sollicitant les services de sa photographe officielle lors de sa maraude, Macron se comporte comme le footballeur Patrice Evra qui se filmait donnant des hamburgers MacDonalds à des SDF. Ou comme le rappeur Kaaris distribuant des billets de banque à des migrants – ces deux derniers déclarant avec une incroyable arrogance être des exemples à suivre. C’est un petit peu la même chose que l’homme qui se conduit avec bonté par la seule crainte de Dieu. Sa morale se fonde uniquement sur la spéculation d’un au-delà partagé entre le paradis s’il se comporte correctement, et l’enfer s’il mène une vie immorale.
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Or, la seule morale qui vaille est celle que l’on s’assigne indépendamment de Dieu ou de sa cote de popularité. C’est d’ailleurs pleinement le message du Christ qui dit dans l’Evangile de Matthieu : « quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta droite ».
Victor PETIT