La semaine qui vient de s’écouler a connu son lot de polémiques. Ça a commencé avec le hijab de course à pied proposé par Décathlon. Je ne vais pas revenir dessus. Je vous renvoie à l’article que j’ai écrit sur le sujet ici. Ça a continué avec le grandéba animé par Emmanuel « Philippe Risoli » Macron à Pessac. Et ça s’est clôturé par une merveille de comparaison aussi risquée qu’une descente à ski de Régine Cavagnoud par le député LREM Aurélien Taché (accent aigu optionnel) entre le voile islamique et un serre-tête. Du boulot en perspective alors je vais essayer d’être synthétique.
On commence avec le grandéba. J’ai un copain qui me dit, tu viens voir le grandéba demain soir ? Honte à moi, je ne savais même pas que Macron descendait en Province. Mais je m’en suis vite rendu compte quand j’ai dû me garer dans un centre-ville en état de siège. Avec un tel bordel, impossible de ne pas comprendre que le Préz est dans la place… ou qu’Éric Zemmour est en séance dédicace chez Mollat mais non. Je me suis toujours dit que quand même, le Président pourrait faire plus discret. Moi je verrais bien Macron se déplacer en 1007, un gilet jaune sur le tableau de bord, une stache collée sur la face, une chemise Fruit of the loom et une moumoute blonde sur le crâne. Le mec serait incalculable et cesserait de foutre le bordel partout où il passe. T’ajoutes un ou deux vans remplis de Benallas pour l’escorter et basta.
Bref, je n’étais pas dispo le soir dudit grandéba. Et de toute façon Simon, j’étais pas convié hé hé hé ! Moi et ma paire de boules étions considérées persona non grata. Emmanuel Macron a donc organisé une réunion en non-mixité, un peu comme les camps d’été décoloniaux qui refusent les blancs. Au même titre que ces camps prétendent lutter contre le racisme avec les armes du racisme, Macron lutte contre le sexisme avec les armes du sexisme. Donc moi et mon chromosome XY d’oppresseur de merde avons été sommés de rester à la case. Le grandéba, c’était sur internet. Et j’ai bien fait de regarder. Ça a parlé reconnaissance du statut de psychologue, charge mentale, remboursement des serviettes hygiéniques et autres enjeux majeurs.
Mais deux intervenantes ont marqué les esprits. La première se lève, et dit en substance ceci : « M. Macron, comme une circulaire interdit les administrations, et même les entreprises privées, d’embaucher des femmes voilées, je n’ai pas le droit de travailler car j’ai fait le choix de porter un foulard. Ainsi, vous faites de nous des assistées ». Bon là, j’avoue que c’est très fort. Prends un Doliprane si tu ne te sens pas bien. Alors voilà Madame. Tu le dis toi-même, tu as fait le choix de porter un foulard. Donc si tu fais passer tes convictions religieuses avant ton travail, c’est ton problème. Et dans ton histoire, le foulard n’est que l’alibi de ta paresse ou de tes priorités (ou des deux). D’autant que s’agissant de l’administration, les agents sont soumis à la neutralité. Alors on ne peut pas d’un côté invoquer la laïcité pour justifier son port du voile et de l’autre, estimer que son voile n’est qu’un bout de tissu neutre qui ne l’empêcherait pas de travailler dans l’administration. Un peu de cohérence, que diable. Bref, la parole est à Manu qui bien évidemment, caresse l’électrice en face de lui dans le sens du voile sur le thème : « Les employeurs du secteur privé n’ont pas le droit de rejeter une candidature à cause du port du hijab et les contrôles seront renforcés ». Madame est servie. Les indigènes de service comme Rokhaya Diallo, Danièle Obono et Houria Bouteldja peuvent se réjouir, le Président reconnaît qu’il y a de la discrimination et que le port du voile n’a rien de discutable. L’enfer !!! Sauf que Macron semble méconnaître la loi El Khomri de 2016 qui reconnaît la possibilité pour une entreprise de restreindre « la manifestation des convictions des salariés » par le biais d’une « clause de neutralité » dans le règlement intérieur. Mais le problème n’est pas tant dans cette méconnaissance que dans la petitesse du raisonnement. Macron se trompe sur deux choses. La première est que lorsqu’une entreprise refuse une femme portant un voile, elle ne refuse pas une personne voilée. Elle refuse une personne qui porte un voile. Autrement dit, c’est l’action de porter un voile qui porte préjudice à la femme. C’est un peu comme si cette femme se discriminait elle-même. Que cette femme qui a pris la parole retire son voile et elle pourra trouver un boulot. Il ne faut pas inverser la charge de la culpabilité. La deuxième est que, par son raisonnement, Macron valide la primauté de la religiosité du voile sur le voile lui-même. Je m’explique. Si demain, je me présente à un entretien d’embauche vêtu d’un bonnet et que je refuse de retirer mon bonnet pendant l’entretien, le recruteur ne m’embauchera pas. Je n’aurai alors que mes yeux pour pleurer. Mais, si je crée une religion, et qu’au nom de cette religion, je revendique le port du bonnet, au nom de la jurisprudence Macron, l’employeur me discriminera s’il me refuse le poste pour ce motif. J’alimenterai alors les statistiques de la discrimination à l’embauche au même titre que cette femme. Donc Macron considère que la religiosité d’un signe ou d’une action peut lui conférer sa légitimité. On fera quoi quand demain, une religion considérera l’excision comme conforme à son rite religieux ? Faudra-t-il l’accepter au nom de la liberté de culte et de culture ?
La deuxième intervenante est tout aussi voilée. Mais bizarrement, elle ne parle pas français. C’est alors qu’une traductrice explique qu’elle habite depuis 5 ans en France, et qu’elle souhaiterait obtenir des papiers français pour travailler et s’investir. Elle aussi, son choix est de porter le fouloir islamique. Ce qui ne l’aidera pas pour trouver du travail comme on l’a vu. Mais le plus incroyable, c’est bien de ne pas parler français au bout de 5 ans, d’être sans-papier, donc en situation irrégulière, et de pouvoir se tenir à 10 mètres du Président de la République française pour lui poser une question (à ce moment du texte, j’ai une pensée pour mes parents qui habitent le Portugal depuis 10 mois et qui commencent à parler correctement le portugais à près de 70 ans).
Voilà pour le grandéba dont je mets en bas de cette vidéo le lien Youtube. Mais la troisième polémique que je vais aborder est probablement la pire. Elle vient d’une discussion entre Zineb El Rhazoui et le député LREM Aurélien Taché. Alors qu’elle lui demande concrètement ce qu’il pense du voilement des petites filles musulmanes, Aurélien Taché commence à répondre par une pirouette en disant qu’en tant que député, il s’occupe de la loi, pas de la morale. Or si la loi ne dit pas toute la morale, elle peut contraindre à une certaine idée de la morale. Les lois sur l’IVG, les 35 heures, le Smic ou le mariage pour tous ne sont-elles pas des lois morales ? Sur ce point, Taché a déjà tout faux. Mais ce n’est pas encore le pompon sur la Garonne… Le pompon, c’est lorsqu’il ose une comparaison entre un voile islamique et un serre-tête porté par une petite fille catholique. Bon, on peut penser qu’Aurélien Taché a dans l’esprit la famille Le Quesnoy de La vie est un long fleuve tranquille.
Alors, je ne vais pas m’épuiser à démonter cet argument incroyablement bidon et du plus vil relativisme que Taché a depuis regretté. Je vais simplement dire que le voile a un sens symbolique, comme tout ce qui est sacré. Et que son sens est de préserver la pudeur des femmes ainsi que leur intégrité sexuelle du regard concupiscent des hommes, les enfermant ainsi dans une essentialisation teintée de soumission (si les femmes ne portent pas le voile, ce sont des pûtes ; si elles le portent, elles sont loyales à leur devoir religieux, leur mari et leur communauté). Et qu’à cet égard, le sens du voilement des petites filles est encore plus immonde.
Mais plus que de longs discours, voici ce qu’un serre-tête non porté, ou juste mal ajusté, ne générera de conséquences :
Voici le lien vers le grandéba de Pessac : https://www.youtube.com/watch?v=lQNMv9wYVO0
Victor PETIT