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Trois responsables de Génération Identitaire ont donc été condamnés pour leur action contre l’immigration à la frontière italienne en 2018. Petit rappel des faits : il y a deux ans, GI (Génération Identitaire) créait l’événement en menant une opération d’envergure visant à dénoncer l’incapacité des pouvoirs publics à appliquer les lois relatives à la protection des frontières et ce au moment où la loi Asile et Immigration était au vote à l’Assemblée Nationale. Cette action visait à mettre en place un simulacre de frontière dans les montagnes alpines, tenu par quelques dizaines de manifestants vêtus de casquettes et anoraks bleus. Avait également été loué un hélicoptère pour filmer une grande bâche sur laquelle figurait l’inscription « No way ». Par la suite, quelques membres de l’organisation simulèrent des patrouilles (civiles et non-armées bien entendu) visant à repérer d’éventuels migrants pour les remettre aux forces de l’ordre, s’appuyant ainsi sur l’article 73 du Code Pénal qui dit que « dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche. » L’objectif de cette action était donc d’appeler l’Etat à respecter ses obligations et faire appliquer la loi. Le Ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, ne tardait pas à réagir : « Des renforts de police et de gendarmerie importants seront mis en œuvre dès ce soir afin de s’assurer du respect absolu du contrôle des frontières » dit le Ministre le 22 avril 2018. L’action de GI semblait entendue et le message reçu dans les hautes sphères de l’Etat.
Mais la justice se saisit de l’affaire malgré une action pacifique, ponctuée d’aucune violence ni dégradation et somme toute légale[1]. Pour justifier les lourdes peines requises et retenues (ce qui n’arrive à peu près jamais en France) par le Procureur (6 mois de prison ferme et 75 000 euros d’amende), la juge retenait « la nature extrêmement grave des faits » et « l’importance du trouble à l’ordre public ». C’est pourtant bien plus la manifestation des pro-migrants qui s’ensuivit qui fut l’objet de violences et de tensions, notamment avec les forces de l’ordre. Il fut également retenu le caractère important « des valeurs protégées par les infractions reprochées ». Et là, il y a un gros problème. La justice doit faire appliquer le droit. La morale n’est pas de son ressort et on peut alors se poser la question de l’impartialité de cette décision de justice quand au surplus on sait qu’Isabelle Defarge, la Présidente du Tribunal Correctionnel de Gap qui a jugé cette affaire, avait participé il y a peu à un colloque sur l’immigration au côté de la LDH et la CIMADE et est bien connue pour ses positions pro-migrants.
En réalité, c’est une décision politique et idéologique qui n’est pas sans rappeler l’affaire Clément Méric. Pour avoir suivi ce procès avec intérêt, je fus stupéfait de la tournure des débats, lesquels ne s’intéressèrent jamais vraiment aux faits mais bien davantage à la personnalité et au passé associatif d’extrême-droite des accusés, témoignant ainsi d’une justice partiale, politique et morale inéquitable (d’autant que Morillo et Dufour, les accusés, avaient à de multiples reprises témoigné leurs regrets et leur retrait du monde groupusculaire d’extrême-droite, repentir que l’on tolère pourtant facilement aux dealers ou aux islamistes). Pour illustrer ce qu’est devenu la justice française : comparons les traitements judiciaires des cas Génération Identitaire et Cédric Herrou. Dans le premier cas, nous avons une association identitaire d’extrême-droite qui mène une action pacifique visant à appeler l’Etat à faire respecter la loi et alertant sur le caractère poreux de nos frontières : prison ferme et 75000 euros d’amende. De l’autre, nous avons Cédric Herrou, un paysan qui a hébergé illégalement plusieurs centaines de migrants illégaux au mépris des lois et participant à ce que l’on peut considérer, si l’on n’oublie pas le rôle tenu par les passeurs, comme de la traite d’êtres humains : acquitté avant de faire l’objet d’un film et d’être invité au festival de Cannes. Karma ou non, le lendemain de la condamnation des membres de Génération Identitaire, un demandeur d’asile afghan en situation irrégulière blessait 8 personnes au couteau et tuait un jeune de 19 ans à Villeurbanne. Fort heureusement, des civils prirent le relais des forces de l’ordre pour faire respecter la loi en interpellant l’individu, ce qui fut précisément reproché aux militants de GI s’agissant de leur pseudo-patrouilles.
Par cette lourde condamnation, la justice a considéré la loi comme immorale et a sanctionné Génération Identitaire dont l’objectif était d’appeler à faire respecter celle-ci. La tolérance à l’égard des lanceurs d’alerte est donc à géométrie variable : oui à Edwy Plenel, non à Génération Identitaire. Dans cette affaire, la justice n’a pas appliqué le droit mais s’est voulue la porte-parole d’une morale basée sur une idéologie. Précédemment, la justice avait acquitté Cédric Herrou, bien que hors-la-loi, au prétexte que son action était considérée comme morale. Ce qu’il faut déduire, c’est que la justice n’est plus la justice, mais davantage un organe de propagande morale qui n’a rien d’objectif et qui considère que la France doit ouvrir grand ses frontières tout en menaçant de sanctions ceux qui oseraient marquer leur désapprobation, fussent-t-ils dans la légalité.
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La justice a pour vocation d’appliquer le droit et de faire respecter la loi. Elle n’a nulle velléité à décréter ce qui relève du bien et du mal. En condamnant Générations Identitaires à de lourdes sanctions sur la base de qualifications arbitraires, la justice a manifestement oublié le caractère impartial qui doit être le sien. Ces moralistes en robe devraient relire Les Politiques d’Aristote dans lequel il écrivait les mots pleins de bon-sens suivants : « La loi est pure convention. Elle est un garant de la justice dans les rapports mutuels, mais elle n’est pas capable de rendre les citoyens bons et justes. »
Victor Petit
PS : On peut tout aussi mesurer la partialité de la justice à l’aune de deux affaires similaires. La première concerne encore Génération Identitaire, poursuivie pour l’occupation du chantier d’une mosquée à Poitiers supposée être une officine des Frères Musulmans. La deuxième est l’occupation de la basilique de Saint-Denis occupée par des migrants réclamant le droit d’asile. Si les premiers sont inquiétés par la justice, il est surprenant de noter que les seconds ne l’ont jamais été, pourtant coupable d’un délit très similaire au regard de la loi.
[1] Du moins davantage que l’occupation du pont de Sully à Paris par les militants d’Extinction Rébellion, lesquels avaient été gazés suite à leur refus de répondre aux diverses sommations policières déclenchant une vive polémique alors même que leur action pacifique certes n’en était pas moins illégale.
Donc, pour vous la justice, c’est de laisser crever les gens de froid et de faim ?
Et par ailleurs, s’il y a des gens qui s’ennuient dans leurs vies au point d’aller espionner et dénoncer leurs semblables, et bien qu’ils se rendent utiles à leur pays et qu’ils s’engagent plutôt dans la police ou l’armée !
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Bonjour JP.
Vous avez le sens de la mesure…
Bon, vous me prêtez des mots que je n’ai absolument pas tenus. Ou alors, vous êtes totalement passés à côté du sujet. Mon propos était de mettre en évidence une justice politique qui sanctionne non en vertu du droit, mais en vertu d’une idéologie. La justice, ce n’est pas dire ce qui est bien ou mal. La justice, c’est faire respecter des règles. Point. Donc vous êtes hors-sujet.
« Laisser crever les gens de froid et de faim » ; voilà un propos dicté par votre coeur. C’est louable, mais on ne gouverne pas un pays par l’émotion. De plus, il existe un principe inhérent à toute nation libre et indépendante, c’est la souveraineté. Celle-ci est bafouée chaque jour, il n’est pas inutile de le rappeler. Par ailleurs, vous qui revendiquez une bonté d’âme que je n’aurais pas selon vous, j’ai envie de vous demander : quel est votre projet ? Car c’est bien joli de donner des leçons de morale en prétendant jouer les bons samaritains. Mais si l’on doit accueillir quiconque se prétende sur notre territoire, par la force ou non, nous avons deux options que voici :
– Soit nous faisons venir toutes les personnes en danger : les populations qui fuient la guerre, la pauvreté, la famine ou encore le climat (car la priorisation des détresses poseraient un évident problème éthique). Nous procéderions alors de manière inconséquente à l’instauration du chaos en Europe et en France, laquelle n’aurait évidemment pas les ressources pour absorber culturellement et économiquement de tels flux,
– Soit nous décidons de nous acheter une bonne conscience en acceptant de prendre en charge quelques millions de migrants. Et nous nous rendrions ainsi complices de l’appauvrissement culturel, intellectuel et économique des populations qui n’auront eu guère l’opportunité de partir tout en procédant tout autant au déséquilibre culturel et économique de l’Europe et de la France.
Ce que vous proposez – accueillir le cœur sur la main sans se poser la moindre question – est parfaitement inconséquent. En faisant cela, vous appauvrissez les pays de départ qui se prive d’un capital humain et financier (ne faut-il pas payer les passeurs ? Quid de cette manne financière ?), et d’autre part, vous prenez le risque de déstabiliser la France et l’Europe (n’avons-nous pas d’innombrables soucis économiques, sociaux et culturels à gérer ?).
J’ajoute qu’il est fréquemment rappelé que les migrants sont une chance pour la France et l’Europe. Sont-ils une chance pour les pays de départ ? Pas vraiment. Mais tant que l’on pense qu’ils nous sont bénéfiques, les gens comme vous n’ont pas à faire face à ce genre de dilemme. Si les migrants sont les Victor Hugo de demain, comme nous dit Yann Moix, alors nous devrions avoir honte d’en priver les populations de départ qui elles, restent au pays… Réfléchissez donc à cela.
Enfin, s’agissant de l’espionnage et de la dénonciation, cela porte un nom aujourd’hui : les « lanceurs d’alerte ». Il y en a parmi les journalistes pour dénoncer les politiciens corrompus. Parfois même les ados pour dénoncer un pédophile. Et bientôt au Fisc pour dénoncer les fraudeurs fiscaux. Si des lois ont été bafouées, des « dénonciateurs » ont lancé l’alerte. Génération Identitaire a fait la même chose s’agissant d’individus qui violent également des lois. Alors je vous l’accorde, on peut être pour ou contre. On peut trouver cela abject ou salutaire. Reste que la justice les a sanctionnés non en vertu de la loi, mais au regard de leur idéologie, sans la moindre cohérence.
Merci pour votre commentaire autant que d’avoir pris le temps de me lire.
Victor
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Bonjour Victor,
ce que vous écrivez est sensé et découle d’une logique que l’on pourrait qualifier de « froide ». Certes, la loi existe. Mais de son existence même, doit-on en déduire qu’elle est bonne ? Ou encore mieux : cette loi est-elle juste ?
Pour ceux que vous défendez dans cet article, la loi est juste et ne peut donc être remise en cause. Pour ceux que vous fustigez, en revanche, la loi est injuste et il est normal de la contourner.
Deuxièmement, un lanceur d’alerte agit pour l’intérêt général, ce qui n’est pas le cas des gens que vous défendez. En effet, vous accusez la justice de faire œuvre d’idéologie, mais vous, n’en faîtes vous pas preuve vous même ? En appeler à la loi pour justifier des actions qui cachent en réalité des sentiments de peur, voir de haine, envers les autres, n’est-ce pas une manière de se voiler la face, sans mauvais jeu de mot ?
Enfin, je voudrais finir par cette citation de Jules Michelet :
« Ce qui est propre à la France, c’est d’avoir peu en propre, d’accueillir tout, de s’approprier tout, d’être la France, et d’être le monde. Notre nationalité est bien puissamment attractive, tout y vient bon gré, mal gré ; c’est la nationalité la moins exclusivement nationale, la plus humaine. Le fond indigène a été plusieurs fois submergé, fécondé par les alluvions étrangères. Toutes les poésies du monde ont coulé chez nous en ruisseaux, en torrents. »
Je vous laisse méditer sur ces belles phrases !
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Cher JP.
Encore une fois, je ne défends personne. Je m’attache à mettre en lumière un deux poids deux mesures. Vous dites que ces gens n’agissent pas pour l’intérêt général. En réalité, ils n’agissent pas pour votre idée de l’intérêt général.
Par ailleurs, je ne suis pas certain loin de là qu’il était dans l’idée de Michelet que la France devait être ce moulin à vent que dénonce cette association. Au-delà des belles phrases, je suis d’ailleurs en désaccord avec plusieurs élément. La France aurait peu en propre ? En dépit des quelques premiers siècles, alors que la France n’était pas encore la France, et indépendamment des dernières décennies, la France est demeurée un peuple relativement homogène (bien que comptant nombre de particularismes locaux).
Alors le lyrisme, c’est une bonne chose. Mais il faut se montrer réaliste, ne vous en déplaise.
Pour ma part, je considère que tout être humain peut devenir français, quelle que soit sa couleur, sa nationalité ou sa religion. La condition impérative est d’en épouser les codes et les mœurs par l’assimilation. Ce pourquoi il est nécessaire de garder la maîtrise de ses frontières en sachant qui les franchit dans un sens comme dans l’autre. A ce sujet, voici les mots d’un autre historien, Fernand Braudel : « L’assimilation a été la clé d’une intégration sans douleur de ces immigrés qui se sont vite confondus dans les tâches et les replis de notre civilisation tandis que leurs cultures d’origine ont apporté une nuance de plus à notre culture complexe. » La condition de cette assimilation réside dans notre capacité à demeurer souverain et intransigeant quant au respect de la culture française, ce qui n’est plus du tout le cas aujourd’hui.
S’agissant de la justice, je persiste à la considérer comme devant relever d’une certaine froideur, comme vous semblez me le reprocher. C’est une conception que l’on retrouve chez Aristote dans Les Politiques : « La loi est pure convention. Elle est un garant de la justice dans les rapports mutuels, mais elle n’est pas capable de rendre les citoyens bons et justes. » J’adhère à ce principe mais il suppose une culture commune qui ne peut accepter un modèle multiculturel et relativiste. On retrouve cette idée de « froideur » chez Montaigne dans Les Essais lorsqu’il écrit : « Les lois qui se maintiennent à crédit autour de nous tirent leur autorité non ce qu’elles sont justes, mais de ce qu’elles sont lois ». Ce sont les traditions, les mœurs et coutumes issues d’une culture commune qui font office de loi par ce que Renan appelait un « plébisciscite de tous les jours », lequel est tout à fait impossible aujourd’hui précisément parce que nous avons cédé au lyrisme politique d’un Michelet par exemple. La loi n’est qu’un cadre. Ce qui est juste, c’est l’adhésion à une culture commune. Encore faut-il s’en donner les moyens. Pour vous donner un exemple : admettons que je vous donne 1000 euros pour vous balader dans la rue en costume nazi. J’imagine que vous allez refuser, non parce que vous êtes susceptible de tomber sous le coup de la loi, mais en premier lieu parce que cela heurtera votre morale. Le premier élément de coercition est celui que l’on se fixe en adhérant à une morale commune, condition indispensable du vivre-ensemble, rendu malheureusement très compliqué aujourd’hui. Désolé pour la petite digression sur la loi. Je formule cette réponse un peu précipitamment et de façon maladroite.
Enfin, je confesse parfaitement faire preuve de partialité. Ce blog est un blog d’opinion. En revanche, je refuse l’idée de faire preuve d’idéologie car je suis ouvert à la contradiction et à la réfutation. S’agissant de la justice, elle se doit d’être neutre, donc froide.
Vous avez une conception lyrique et romantique de ce qu’est la France et, à mon sens, quelque peu tronquée. Je vous l’accorde, dans l’idéal, je plaide pour cela. Mais je la pense difficile de passer l’épreuve du réel ainsi.
Bien cordialement.
Victor
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