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Ce pays qui marche sur la tête donne bien des occasions de sombrer dans la résignation. C’est le cas de « l’affaire Mila » qui a agité la toile ces derniers jours. Pour rappel, alors qu’elle avait éconduit un homme qui la draguait avec insistance, à l’occasion d’une vidéo tournée en direct sur internet, l’adolescente de 16 ans s’était vue traitée de « sale lesbienne », de « sale française » et de « raciste ». En réponse à ces insultes, la jeune Mila avait répondu par ces mots : « Je déteste la religion, le Coran est une religion de haine […] Votre religion, c’est de la merde, votre Dieu je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci au revoir. »
Aussitôt, l’adolescente a fait face à un torrent d’insultes et de menaces de mort. Son nom, son adresse et le nom de son lycée ont été jetés en pâture sur les réseaux sociaux, appelant à son lynchage à un point tel qu’elle a dû être déscolarisée temporairement depuis et bénéficie aujourd’hui d’un soutien psychologie. Cette haine sidérante aurait pu suffire à un dégoûter plus d’un. C’était sans compter avec la justice de ce pays, si partiale et idéologisée du « mur des cons ».
Car si une enquête a été logiquement ouverte pour tenter de retrouver et sanctionner les innombrables auteurs de menaces dont la jeune fille a fait l’objet, une autre a également été diligentée contre elle pour « provocation à la haine raciale » (à noter par ailleurs que traiter une jeune femme de « sale française » n’est pas de nature à motiver la justice…). Vous ne rêvez pas… On aimerait comprendre en quoi critiquer ou même insulter une religion a quelque chose à voir avec de la haine raciale. L’Islam n’est pas une race. Autrement dit, le motif même de cette enquête n’a aucun sens. En réalité, c’est la question du blasphème que pose la justice, alors même que celui-ci ne figure pas dans la constitution. Cette enquête montre ainsi toute la puissance des juges qui peuvent s’arroger n’importe quel pouvoir tant qu’ils estiment que leur action sert leur idée de la morale, du juste et du bien.
Ce qu’a dit Mila n’est que de l’ordre du blasphème. Elle ne s’attaque en aucune façon à un groupe d’individus. Par cette enquête, le Procureur de la République de Vienne considère que chaque citoyen est réductible à ses croyances et que, de ce fait, dans toute insulte ou critique d’une croyance s’opère une attaque des individus animés par cette foi. En ce cas, on pourrait aussi se demander si le socialisme, le communisme ou le suprémacisme ne constituent pas des croyances qui elles-mêmes pourraient revendiquer un certain caractère d’inviolabilité au nom de l’insulte d’un groupe d’individus qui les portent… En somme, le parquet pose la question de l’existence même d’un pilier essentiel de la liberté humaine qui est la distance à soi. A savoir cette idée fondamentale qu’en dépit de ses croyances, de ses affects ou encore de ses déterminismes, l’Homme n’est entravé d’aucune chaîne (pas même par celle qu’il s’inflige) et demeure libre de ses choix.
C’est aussi la partialité de la justice qui est insupportable. Elle qui relaxait Houellebecq en 2002 pour avoir qualifié l’Islam de « religion la plus con du monde » a mis depuis son radar à blasphème en marche. Il n’en demeure pas moins que c’est un radar à géométrie variable puisqu’on peut passer furtivement devant celui-ci, sans être inquiété, lorsqu’on chante « Jésus est pédé » sur France Inter. Il y a les bons et les mauvais blasphèmes… Par ailleurs, on notera également que s’agissant d’incitation à la haine raciale, la justice n’avait pas juger utile de poursuivre Hafsa Askar, vice-présidente de l’UNEF de Lille pour un tweet dans lequel elle disait : « On devrait gazer tous les blancs, cette sous-race » (voir si contre). Non là, pas d’incitation à la haine raciale mais une simple manifestation de la liberté d’expression…
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Cette enquête qui vise des propos qui, on doit le rappeler, sont ceux d’une jeune ado qui faisait déjà l’objet d’insultes, est choquant et gravissime. Et inutile de préciser que la jeune Mila ne peut compter sur le soutien de ceux dont on attendrait légitimement qu’ils volent à son secours tant ils s’arrogent quotidiennement le monopole de la morale : du laïcard Mélenchon qui préfère défiler avec les islamistes, à l’indigéniste Rokhaya Diallo pour qui Mila est sûrement trop blanche, entre autres…). Ce qui est à retenir de cette histoire, c’est qu’en France, en 2020, si on ne meurt pas d’avoir blasphémé l’Islam, et si on a eu le bonheur d’être épargné par les balles, le lynchage et les menaces, reste la Justice de ce pays à affronter…
Victor Petit
PS : A noter qu’Abdallah Zekri, délégué général du Conseil Français du Culte Musulman, a estimé sur les ondes de Sud Radio que la campagne de haine et de menaces qu’avait subie la jeune femme était méritée. « Elle l’a cherché, elle l’assume » a-t-il dit. Voilà où en est le visage officiel de l’Islam modéré en France.