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Mardi 8 décembre 2020, le Paris-Saint-Germain recevait le Basaksehir d’Istanbul à l’occasion du sixième match de poule de la Ligue des Champions de Football. Quelques minutes après le coup d’envoi, un incident fit cesser le match. Le quatrième arbitre venait alors de désigner l’entraîneur-adjoint du club turque Pierre Webo comme noir (« C’est le Noir [negru, en roumain] ici. Va voir et identifie-le. Ce gars, le Noir »). Pierre Webo était en train de vociférer sur le bord du terrain et le quatrième arbitre entendait signaler ce comportement à l’arbitre central. Roumain, ce quatrième arbitre avait utilisé le mot negru, lequel signifie « noir » dans sa langue. Mais très vite, Pierre Webo, le staff et les joueurs – Demba ba, dont on doute fortement qu’il parvint à entendre l’échange – vitupérèrent le quatrième arbitre, lequel leur expliqua que negru n’était pas une insulte mais la simple traduction d’un adjectif. Joueurs et staff reprochèrent alors au suspect (condamné plutôt) d’avoir désigné Webo par sa couleur de peau. Les joueurs quittèrent alors le terrain en signe de soutien. Le match fut définitivement arrêté et reporté au lendemain. La planète-foot, le show-business (l’inénarrable Omar Sy en tête) et les politiques (l’invisible Roxana Maracineanu) pouvaient alors s’exciter et dénoncer un énième dérapage raciste.
Or de quel dérapage raciste s’agissait-il ? Des cris de singe avaient-ils été lancés ? Des bananes avaient-elles été jetées comme l’on pouvait tristement le voir sur certains terrains ? Non, nous parlions d’un arbitre qui utilisa un adjectif qualificatif pour désigner un homme, lequel adjectif faisait référence à la couleur de peau dudit personnage. Au pire pouvions-nous parler d’un propos très maladroit. Mais ni d’insulte, ni de dérapage raciste il n’était question. A moins de considérer que « noir » soit insultant et que ce mot doive faire l’objet d’un usage particulier réservé à certaines personnes. Argument défendu par les antiracistes, indigénistes et autres racialistes qui considèrent que « noir » renverrait à un rapport de domination hérité de la traite négrière transatlantique, et qu’à ce titre, seuls les noirs pourraient utiliser ce mot.
Or pour beaucoup, il n’y avait guère de racisme dans ce terme. Le racisme consistant à reconnaître une hiérarchie entre les races, nous en étions loin… Pour John Barnes, joueur emblématique de Liverpool et de couleur noire, « s’il y avait eu cinq entraîneurs noirs et un entraîneur blanc, il aurait indiqué ‘le blanc’. Que [pouvait]-il dire d’autre ? »[1]. Barnes visait juste. Un membre du staff blanc à la Coupe d’Afrique des Nations eût été logiquement désigné par sa couleur de peau. De même qu’au milieu d’un groupe de bruns, on distinguera le blond par sa couleur de cheveux. De même qu’au milieu d’un groupe de basketteurs, on distinguera le jockey par sa petite taille… On peut considérer cela comme maladroit, probablement. Mais à aucun moment l’on pourrait qualifier cela de raciste. A moins, encore une fois, de considérer que certains mots devraient être interdits d’usage par certaines personnes. Ce qui, reconnaissons-le, ne ferait qu’accréditer la thèse selon laquelle il existerait un certain politiquement correct.
Le problème des antiracistes, c’est qu’ils se complaisent dans une dénonciation du racisme qui est totalement à géométrie variable. Ainsi, Demba Ba, le premier joueur à s’être offusqué des propos de l’arbitre ce soir-là, ne fut pas saisi de scrupules à désigner un groupe par sa couleur de peau – et le réduire à celle-ci – lorsqu’il tweeta, le 2 avril 2020 : « Bienvenue en Occident, là où le blanc se croit tellement supérieur que racisme et débilité deviennent banalité »[2]. De l’actrice Aïssa Maïga qui compte les noirs à la cérémonie des Césars[3] à Delphine Ernotte qui ne veut plus d’une « télévision d’hommes blancs de plus de cinquante ans »[4] en passant par Emmanuel Macron qui rejette le plan Borloo, considérant que « deux mâles blancs » n’auraient rien de pertinent à dire sur les banlieues[5], l’on se rend compte que la logorrhée antiraciste utilise la race tant comme un argument au service de son idéologie que comme un odieux sacrilège. Ce qui, convenons-en tient de la schizophrénie paranoïde saisissante.
Pour finir sur cette affaire qui tient de la tempête dans un verre d’eau, on ne peut que s’étonner du comportement de ces joueurs si prompts à dénoncer le racisme dans ce qu’il a de plus anecdotique, mais dans le même temps si peu enclins à s’émouvoir de la décapitation d’un professeur d’histoire-géographie par un islamiste ou à brocarder l’irrespect des Droits de l’Homme au Qatar, Droits de l’Homme dont ils se font pourtant les illustres défenseurs.
Victor Petit
[1] https://www.sofoot.com/john-barnes-defend-sebastian-coltescu-492602.html
[2] https://twitter.com/dembabafoot/status/1245716208541995008
[3] https://www.huffingtonpost.fr/entry/aissa-maiga-plaidoyer-cesar-2020-diversite_fr_5e598d41c5b6450a30be6f72
[4] https://www.lexpress.fr/actualite/medias/ces-hommes-blancs-de-plus-de-50-ans-evinces-de-france-tv_2039855.html
[5] https://www.huffingtonpost.fr/2018/05/22/banlieues-macron-previent-borloo-deux-males-blancs-qui-font-un-plan-ca-ne-marche-plus-comme-ca_a_23440571/