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Pour un tweet promotionnel le premier jour de Ramadan, l’entreprise Évian, qui commercialise de l’eau minérale, a fait face à la colère de nombreux musulmans (et non-musulmans du reste), ceux-là considérant le message de la marque comme une offense. Dans un second temps, Évian a évoqué une « maladresse » laquelle ne constituait en rien une « provocation ». Sur l’autel de l’efficacité économique, Évian rejoint ainsi la longue liste des entreprises-serpillères qui se couchent devant l’inacceptable « rigidisme » d’un islamisme toujours plus vindicatif.
La vie d’une entreprise française qui commercialise de l’eau en France n’est-elle pas de vendre de l’eau quel jour de l’année que ce soit ? Ou faut-il désormais que le monde s’arrête de tourner pendant le ramadan ? Ces musulmans qui s’offusquent de ce tweet ne choisissent-ils pas de leur plein gré de sacrifier au rituel religieux du ramadan ? Par conséquent, au nom de quoi la société civile ou encore la sphère économique devraient-elles subir les conséquences de ce choix libre et éclairé, et s’adapter en retour ? Si encore ils avaient été convertis de force et obligés de jeûner, l’on pourrait comprendre. Mais en la circonstance, cette polémique met concrètement en lumière un concept théorisé par l’écrivain Nassim Nicholas Taleb : les « minorités intransigeantes ».
Nous avons tous eu affaire à une minorité intransigeante un jour ou l’autre. La plupart du temps, l’on s’en accommode parfaitement par bienveillance de façon inconsciente et, dès lors, il n’y a point matière à polémiquer. Prenons un exemple. Accompagné de cinq amis, vous êtes au restaurant et passez commande. Alors que le serveur vous demande si vous prendrez de l’eau, vous et vos amis vous interrogez du regard et vous accordez spontanément pour commander de l’eau pétillante. C’est alors que l’un des convives se manifeste et déclare qu’il ne digère pas l’eau pétillante. A l’unanimité, vous et vos quatre amis décidez alors d’opter pour de l’eau plate. A aucun moment vous envisagez de reprocher au séditieux de ne pas se plier à la volonté du groupe. Cela ne vous vient d’ailleurs même pas à l’esprit, l’arrangement étant de peu de conséquences. Toutefois, le phénomène ne s’arrête pas à ce genre de petit accommodement du quotidien. Dans nos démocraties libérales, on constate même qu’à bien des égards, ce n’est pas toujours la majorité qui s’impose… loin de là. Taleb explique que dans les systèmes complexes, comme une société humaine telle qu’une nation – et la France ayant totalement déconstruit son identité et sa culture est un cas d’école -, il suffit qu’une minorité se montre intransigeante pour qu’elle exerce sa loi sur la majorité. Taleb illustre cette idée par l’exemple suivant.
Un jour qu’il était invité à un cocktail, il se rendit compte que tout ce qui était proposé était casher. Il se fit alors la réflexion suivante. Quelqu’un qui mange casher ou halal ne mangera jamais quoi que ce soit qui ne serait ni casher ni halal. Mais l’inverse n’est pas vrai. Ainsi, la minorité se révèle bien souvent plus intransigeante et intolérante que la majorité, laquelle paradoxalement se montre bien plus flexible. On le constate d’ailleurs très bien en France, les Français acceptant globalement sans broncher de manger de la viande halal quand l’inverse est impossible ou presque. Les industriels de la viande (comme les acteurs de la restauration rapide d’ailleurs) se sont pour beaucoup adaptés à cette demande en modifiant leurs chaînes de production afin de diminuer les coûts (deux chaînes de production distinctes étant moins rentables). De sorte que comme l’atteste Frédéric Freund, Directeur de l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs, beaucoup de viandes halal « ne se retrouvent pas toutes dans les circuits de distribution réservés au halal ». Et d’ajouter que « le consommateur peut manger à son insu des viandes issues de l’abattage rituel musulman[1] ». Ici, si la majorité silencieuse accepte de manger de la viande halal, l’inverse est évidemment très compliqué, sinon impossible. Pour les industriels, le marché que représente cette minorité intransigeante est d’autant plus facile à investir que la majorité se montre flexible. La question récurrente des menus sans porc à la cantine est un autre exemple. Normalement, la minorité devrait se voir aisément retoquer par la majorité. Pour autant, le débat perdure et nul doute qu’il tournera bientôt en faveur de la minorité intransigeante.
Dans le quotidien, il est de plus en plus de geste, d’attitudes, ou encore de traditions que l’on adapte afin de ne pas heurter la susceptibilité de ces minorités toujours plus inflexibles. On préfère dire « bonjour » à « bonjour mademoiselle », quelques néo-féministes vindicatives et susceptibles ayant eu raison de cet auguste titre de civilité. On ne dit plus « joyeux noël » mais « bonnes fêtes » ; il ne faudrait pas heurter les quelques stakhanovistes de la laïcité et autres minorités religieuses non-chrétiennes. Aussi, les vacances de Pâques sont officiellement devenues les « vacances de printemps[2] », on ne fête plus noël à l’école et le Père Noël y est désormais persona non grata pour les mêmes raisons. L’idée qu’hommes et femmes n’existent pas, que chacun est libre de choisir son genre et son orientation sexuelle bref, tout le corpus idéologique de la théorie du genre qui inonde notre société de l’école au planning familial[3], tout cela consiste en une réponse à la souffrance (parfaitement légitime du reste) et au désir d’égalité des minorités sexuelles. On peut également évoquer le fait que nombre de leaders d’opinion mais aussi d’anonymes, complètement lobotomisés par l’idéologie du genre, considèrent qu’au nom des êtres transgenres, il faudrait ne pas associer le phénomène de menstruation aux seules femmes… oui, nous en sommes là. Ainsi, pour ne pas blesser les transgenres, il conviendrait davantage de parler de « personnes qui menstruent », comme le fait la youtubeuse féministe MyBetterSelf[4]. Le Huffington Post a d’ailleurs écrit un article à ce titre intitulé : « Avoir ses règles quand on n’est pas une femme ». Il y a 15000 personnes transgenres en France, lesquelles constituent 0,020% de la population. La tyrannie de ces minorités intransigeantes devrait obtenir la révision du langage comme de la biologie ? Faut-il que la nation soit à ce point décadente pour que l’on accepte que la norme se fonde sur l’exception…
Par leur susceptibilité, mais aussi par la faiblesse des institutions comme de la majorité, les minorités intransigeantes parviennent à faire que la règle ne se conçoive qu’à partir du particulier. Ce qui est, soyons réaliste, le lot de toute société qui abandonne sa culture et ses valeurs qui jadis faisaient autorité. Par leur raideur dogmatique, ces minorités, constituent tant un danger pour notre culture, nos mœurs, nos coutumes, nos fêtes et nos traditions, que plus prosaïquement pour notre démocratie. Car rien n’est plus facile que d’attaquer la démocratie en utilisant les lois de celle-ci. L’unique réponse à cette tyrannie des susceptibilités et à cette toute-puissance des minorités intransigeantes, c’est l’inflexibilité la plus totale, le refus de se soumettre et la réhabilitation de la culture française en tant que culture de convergence.
Victor Petit
[1] https://www.bfmtv.com/societe/religions/mangeons-nous-halal-sans-le-savoir_AN-201202200049.html
[2] https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A14716#:~:text=En%20raison%20de%20la%20crise,zones%20A%2C%20B%20et%20C.&text=Les%20dates%20des%20vacances%20scolaires,10%20au%2026%20avril%202021.
[3] Pour le planning familial, association financée par le contribuable, il convient de ne plus parler de « femmes », mais de « personnes qui ont un utérus ». De même que dans un communiqué, ladite association a cru bon d’écrire « tomber enceint.e », laissant entendre que les hommes pourraient donner la vie, distinguant le genre du sexe, conformément à l’idéologie du genre et au mépris de toute évidence biologique.
[4] https://www.youtube.com/watch?v=_VsSaW6qYvU&ab_channel=MyBetterSelf